vendredi 1 novembre 2013

Un Château en Italie - Valeria Bruni Tedeschi



Réalisé par Valeria Bruni Tedeschi
Écrit par Valeria Bruni Tedeschi, Noémie Lvovsky, Agnès de Sacy
Festival de Cannes 2013 - Compétition  Officielle
Avec : Valeria Bruni Tedeschi, Louis Garrel, Filippo Timi, Marisa Borini, 
Xavier Beauvois, ...
1h44
Sortie : 30 octobre 2013
-

Ruines


  Ah, Cannes... Quel beau paradoxe ! Comment le plus important festival de cinéma au monde peut-il afficher l'ambition de rassembler ce qu'il y a de meilleur en matière de film et mettre en Compétition le désolant Un Château en Italie ? N'oublions pas qu'un film en Compétition est une œuvre qui a les qualités potentielles pour obtenir la Palme d'or, à savoir inventivité, émotion et richesse artistique. Sincèrement, les organisateurs du festival ont-ils pensé une seule seconde que Un Château en Italie pouvait remporter la plus belle des récompenses quand ce film ne prétendrait même pas à un César ? L'explication la plus probable serait que Valeria Bruni Tedeschi était la caution féminine d'une sélection exclusivement masculine (rappelons que l'absence de réalisatrice dans la Compétition du Festival de Cannes 2012 avait suscité de vives critiques). Mais franchement, il y avait mieux que Valeria Bruni Tedeschi pour représenter la gente féminine ! Sofia Coppola avec The Bling Ring et Rebecca Zlotowski avec Grand Central avaient de meilleurs arguments que Valeria Bruni Tedeschi. 


Nathan (Louis Garrel) et Louise (Valeria Bruni Tedeschi)


 Surpris de cette sélection à Cannes, doutant du talent de Bruni Tedeschi, nous avons tenté d'aller voir le film vierges de tout a priori. Mais l'instinct de cinéphile sait quand un mauvais film se profile à l'horizon. Et pour Un Château en Italie, les voyants étaient au rouge. Avec ce film, Valeria Bruni Tedeschi conclue la trilogie autobiographique entamée en 2002 avec Il est plus facile pour un chameau... et poursuivit avec Actrices en 2007. Un Château en Italie narre les pérégrinations de Louise à un moment crucial de sa vie. Sa famille ne peut plus gérer le château familial italien, son frère est atteint du SIDA, elle éprouve le besoin d'élever un enfant alors que son amant de passage ne pense qu'à s'amuser. Valeria Bruni Tedeschi reprend de nombreux éléments de sa vie. Son frère est réellement mort du SIDA et elle a réellement entretenu une relation avec Louis Garrel, interprète de l'amant de Louise dans le film. Nous ne cherchons pas à dénigrer le film autobiographique. Les 400 coups de François Truffaut et Armacord de Federico Fellini sont de grands films parce que le moi du cinéaste se conjugue au pluriel des spectateurs. La poésie et la puissance émotive de ces œuvres permettent de les faire dialoguer avec le plus grand nombre. Le problème principal d'Un Château en Italie est le manque de considération envers le spectateur. Valeria Bruni Tedeschi semble prendre beaucoup de plaisir à filmer sa vie et finit par ne parler qu'à elle-même. Nous traversons le film sans émotion sincère et vraie. La force de l'autobiographie est que le discours personnel puisse être capable de se répercuter en écho chez le plus grand nombre. Valeria Bruni Tedeschi se défend de tout égoïsme en affirmant que ses problèmes (souvenirs familiaux, perte d'un proche, désir de maternité, relation complexe avec un homme plus jeune) peuvent être ceux de n'importe quelle femme de la quarantaine. Donc, son film ne devrait s'adresser qu'aux femmes qui ont la quarantaine ? Quand est-il des autres ? Ils devront rester condamnés à ne pouvoir pénétrer pleinement l'univers du film ? Nous ne réclamons pas de l'autobiographie une identification sine qua non. Fort heureusement, nous sommes tous différents, et notre vie ne peut se calquer sur un seul modèle. De l'autobiographie, nous attendons une expérience de vie, une émotion humaine susceptible de nous transporter au fond de nous-mêmes, à la recherche de nos propres souvenirs. 


Ludovic (Filippo Timi) et Nathan (Louis Garrel)

  Valeria Bruni Tedeschi nous livre un patchwork de tranches de vie. Le film est émaillé de quelques beaux moments et de dialogues savoureux (faut-il y reconnaître la patte de Noémie Lvovsky, co-scénariste du film?). Mais voilà, la réalisatrice pense trop chaque séquence pour elle-même et, à l'échelle du film, cet ensemble ne fonctionne pas et donne davantage l'aspect du brouillon que de l'unicité. Rien ne raccorde et Bruni Tedeschi oublie que le cinéma n'est pas la vie, mais un concentré de vie. Comme pour excuser le geste autobiographique, Valeria Bruni Tedeschi se regarde avec dérision. Mais l'ennui est que dans cette forme d'humour distancié, la réalisatrice souhaite également nous faire pleurer sur sa situation. Cette contradiction aboutit à une absence totale d'empathie chez le spectateur. Truffaut et Fellini réussissaient à nous émouvoir car ils se regardaient avec émotion et nostalgie. Rire de soi n'est pas une mauvaise démarche. A condition qu'elle soit assumée jusqu'au bout.

  Concernant la mise en scène, passez votre chemin ! Valeria Bruni Tedeschi préfère s'attacher à sa galerie de portrait et à ses dialogues plutôt qu'à de réelles propositions novatrices de cinéma. Pour l'interprétation, ce n'est pas fameux non plus. Valeria Bruni Tedeschi s'entiche de personnage ennuyeux car trop prévisibles. Le malade doit faire le malade, le jeune amant doit être fougueux et immature, l'ancien ami oublié est forcément un alcoolique. Ces personnages sont réduits à un simple type qui empêche toute profondeur. La plus mauvaise interprétation revient quand même à l'héroïne. Valeria Bruni Tedeschi ne propose aucune épaisseur de jeu et demeure aussi éteinte qu'une chanson de Carla Bruni...

 Peu de trésors à retirer de ce Château en Italie. Valeria Bruni Tedeschi propose un film confus, qui manque cruellement de caractère et d'intensité. Aussitôt vu, aussitôt oublié. Serait-ce possible alors que ce film ait pu réellement concourir à la Palme d'or ?

Adrien V.

Ludovic (Filippo Timi) et la mère (Marisa Borini)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire