jeudi 22 août 2013

Michael Kohlhaas - Arnaud des Pallières



Réalisé par Arnaud des Pallières
Ecrit par Arnaud des Pallières et Christelle Berthevas
Inspiré du roman de Heinrich Von Kleist
Festival de Cannes 2013 - Compétition Officielle
Avec : Mads Mikelsen, Bruno Ganz, Dennis Lavant... 
2h02
Sortie : 14 août 2013

-

Le Seigneur des hautes plaines


Tourné intégralement dans le massif des Cévennes en Languedoc Roussillon, le nouveau film du sous estimé Arnaud des Pallières n’a pas remué public et critique. Doit-on y voir un petit film imitant paresseusement les grands westerns américains, d’un auteur n’ayant pas encore véritablement trouvé sa voie et son style ? Il serait injuste de bouder devant ces deux heures palpitantes, maîtrisées de bout en bout par un souffle unique dans le cinéma français d’aujourd’hui et la présence du génialissime Mads Mikelsen aux commandes de cette artillerie lourde, parcourue de moments intenses et de personnages passionnants.

Michael Kohlhaas, c’est avant tout une histoire de vengeance. Un seigneur parmi tant d’autres voit ses cheveux brutalisés par le barron. Une boule de feu va naître au cœur de Kohlhaas, ce dernier ne se laissant pas faire facilement par tout être supérieur à sa condition. Le manichéisme affolant au début du scénario surprend pendant quelques minutes, avant que l’on ne découvre que des Pallières à visé juste et au centre d’un thème majeur, peu souvent traité avec tant de lucidité dans le cinéma français : la justice. Kohlhaas veut rétablir son droit. Aimant sa femme et sa fille, il l’écoutera quand elle lui proposera d’aller parler à la princesse. La visite tournant malheureusement au vinaigre, le seigneur n’aura d’autre choix que de mener une guerre, tant la colère qui l’animait de l’intérieur jusqu’à présent aura atteint des proportions criminelles.


Lisbeth (Mélusine Mayance) et Michael (Mads Mikelsen)

Des Pallières ne souhaite pas raconter une guerre. Cette guerre n’est qu’un argument pour étayer sa thèse, comme quoi « la justice ne peut se rétablir par la violence ». Oui, nous avons là une idée simple, sûrement déjà exploitée par nombres d’autres cinéastes (il n’y a pas à chercher loin, notamment avec Mads Mikelsen : La Chasse de Thomas Vinterberg), mais où chaque parole de la fille de Michael, du théologien (Dennis Lavant) ou de César (David Bennent) sera traduite par des effets de mise en scène aboutis et une esthétisation de l’image sagement édifiée. Des Pallières a toujours aimé le western, en particulier les films de Clint Eastwood, dont Michael Kolhlaas en est une alternative. La lenteur des dialogues contraste avec la rapidité des affrontements, brillamment montés à la manière des westerns spaghettis. En plus d’être un film d’atmosphère, Michael Kohlhaas est aussi une oeuvre réflexive évitant tout écart vers le précipice de la lourdeur méthaphysique des propos que tiennent les différents personnages. « C’est pour maman que tu fais la guerre ? Non. C’est pour les chevaux ? Non. » répond-il de manière extrêmement rigide à sa fille. Dans ce monde sanglant perpetuellement roué de coups, Michael n’a plus qu’elle qui puisse l’épargner de sombrer dans la rage absolue, pouvant être symbolisé par l'un de ses rôles précédent, le Guerrier Silencieux de Nicolas Winding Refn. On peut aussi voir en Michael Kohlhaas un film sur Mads Mikelsen, qui conjugue la plupart de ses grands rôles pour donner naissance à un personnage des plus marquant. « le tournage a été très difficile » dit-il dans plusieurs interviews, parlant notamment de la difficulté de jouer en français.

Le souffle épique qui traverse Michael Kohlhaas est lui aussi une caractéristique première du western, difficilement réalisable dans un film français d’aujourd’hui. L’adaptation du roman de Kleist y est sans doute pour quelque chose, mais le découpage et la musique originale que propose des Pallières apportent un côté mystique et profond à l’aventure de Kohlhaas. C’est finalement dans la scène finale que le cinéaste convainc définitivement. Le visage buriné de Mads Mikelsen chargé d’émotions transcende l’âme du spectateur, alors que la faucheuse arrive, au son d’une flûte chantonnante. Des Pallières est sur le bon chemin, et règne sur les hautes plaines d'un cinéma français contre toute attente.  

Jeremy S.



La Princesse (Roxane Durand)

Le Prédicant (David Kross) et Judith (Delphine Chuillot)



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire