vendredi 28 juin 2013

La Fille du 14 juillet - Antonin Peretjatko



Écrit et réalisé par Antonin Peretjatko
Avec : Vincent Macaigne, Vimala Pons, Marie-Lorna Vaconsin, 
Grégoire Tachnakian, Thomas Schmitt, Serge Trinquecoste, ...
Festival de Cannes 2013 - Quinzaine des réalisateurs
1h28
Sortie : 5 juin 2013

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Anarchy in the France



Qu'attend-t-on d'un premier film ? Peu et beaucoup à la fois. Peu, car il est difficile de tout dire en un seul long-métrage, de se révéler complètement et d'installer un univers unique. Et puis, l'absence de notoriété supprime les attentes et les appréhensions chez les spectateurs. Finalement, un vieux de la veille risque beaucoup plus qu'un petit jeunot. On va voir ces premiers films un peu par hasard, en pardonnant déjà les possibles maladresses du réalisateur. Puis beaucoup, car nous avons soif de nouveauté, d'une nouvelle manière d'appréhender le monde, décelant chez un tel ou un autre un possible grand cinéaste en puissance. 

Est-ce qu'on en attendait autant de la part d'Antonin Peretjatko ? Non. Ce diplômé de l'école Louis-Lumière, passé tout d'abord par le court-métrage et le documentaire (il a notamment réalisé le making-off d'Un Prophète) ne payait pas de mine. Mais il signe à 39 ans, avec La Fille du 14 juillet, son premier long-métrage. Et nous sommes scotchés, ahuris, ébahis, sidérés, émerveillés ! Oui, Antonin Peretjatko a largement dépassé les attentes traditionnelles d'un premier film ! 

En pleine crise économico-socialo-politique, Hector ne pense qu'à séduire Truquette, rencontrée le 14 juillet. Il décide de l'emmener en vacances, accompagné de Pator, Charlotte et Bertier. Mais voilà, les choses se compliquent. Truquette et Bertier se sont enfuis avec la voiture, le docteur Placenta, vrai-faux médecin, pète une durite (et il n'est pas le seul !), et pour couronner le tout, la France est tellement mal en point que Sarko est rappelé au pouvoir et la rentrée est avancée d'un mois ! Déjà, on sait que Peretjatko ne sera strictement pas du côté du premier film hyper-sérieux, sur fond de sujet grave, plombé par une mise en scène étouffante. Ouf !

Pator (Vincent Macaigne)

La promesse nous est confirmée dès le début. Peretjatko nous montre des images du défilé du 14 juillet, présidé par Nicolas Sarkozy, puis par François Hollande, le tout en accéléré. Le sérieux, le protocole et le politiquement correct sont ridiculisés. Peretjatko part de la réalité pour mieux s'en éloigner et mieux s'en moquer. La Fille du 14 juillet nous fait entrer dans la sur-réalité. Et c'est peut de le dire ! Le réalisateur nous introduit dans son univers déjanté, où la normalité devient une notion très vague. Entre des guillotines capricieuses, des flics braqueurs, un garde-chasse surexcité et des bagnoles rétros, il ne faut plus chercher une quelconque cohérence, mais plonger allègrement dans cette France déréglée. 



Le risque serait de tourner à l'empilement de gags sans liens, révélant ainsi une vacuité de l'ensemble. Mais non ! Même si parfois on peut penser à un cadavre exquis scénaristique, Peretjatko donne du liant à l'ensemble, révélant un message éminemment politique. Vous avez dit absurde ? Oui... tout comme notre société. On apprend que si pas de travail, pas de logement, alors que si pas de logement, pas de travail. D'une imparable logique... On préfère zapper les infos pour La Roue de la fortune, où le mot à trouver s'avérait être "Guy Debord" (illustre dénonciateur de la société du spectacle, la référence allait de soi). Face à la gravité des événements, Peretjatko prône la légèreté, les vacances, bref, l'optimisme ! Si l’État ne peut plus nous sauver, c'est à nous de le faire en choisissant l'enthousiasme plutôt que la morosité, la désinvolture plutôt que le sérieux, la liberté plutôt que les conventions et l'abrutissement. 

A l'opposé des comédies françaises grassouillettes et pas finaudes pour un sou qui polluent nos chers écrans nationaux, Peretjatko choisit la subtilité, des gags travaillés, jamais grotesques, et surtout, la poésie, inconnue au bataillon dans la plupart des films français. Transcender la réalité par l'absurde sans jamais tomber dans la bêtise, voilà la plus belle réussite de La Fille du 14 juillet. Tous les acteurs, la plupart inconnue, sont savoureux au possible. Généreux dans leur jeu si particulier, on se régale de les voir évoluer dans leurs aventures plus rocambolesques les unes que les autres. Et la mise en scène dans tout ça ? Une fois de plus, Peretjatko est bien inspiré. Quelques maladresses tout au plus qu'on a déjà oubliées.

Charlotte (Marie-Lorna Vaconsin), Pator (Vincent Macaigne), Bertier (Thomas Schmitt),  
Truquette (Vimala Pons), Hector (Grégoire Tachnakian)

Burlesque au possible, joyeusement anarchiste, Peretjatko est le digne héritier de la Nouvelle Vague. Entre l'insouciance d'Adieu Philippine de Jacques Rozier et l'inventivité d'un Godard, La Fille du 14 juillet débloque l'austérité cinématographique française actuelle. Peretjatko filme, comme ses illustres pairs, les corps avec désir. Il célèbre cette jeunesse qui a le mérite de la fougue et de l'envie. Probablement la meilleure comédie française depuis Adieu Berthe - L'enterrement de mémé de Bruno Podalydès (d'ailleurs, celui-ci fait une caméo), ce road-movie déjanté est ce souffle, cette respiration que l'on attendait depuis trop longtemps. Une friandise toute sucrée à croquer le plus vite possible !

Adrien V.




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