jeudi 21 mars 2013

L'Artiste et son modèle - Fernando Trueba


Réalisé par Fernando Trueba
Ecrit par Fernando Trueba et Jean-Claude Carrière
Avec : Jean Rochefort, Aida Folch, Claudia Cardinale
1H45
Sortie : 13 mars 2013

8/10

-

Regardez la, admirez le !


Premier film en français du cinéaste espagnol Fernando Trueba. Avec l'aide d'un des scénaristes français les plus reconnus, Jean-Claude Carrière (qui a notamment collaboré avec Luis Buñuel), il met en scène la conception de la dernière oeuvre du sculpteur Marc Cros. Un très bon film d'auteur, prétentieux sur certains aspects. 

Synopsis : Eté 1943, dans la France occupée, non loin de la frontière espagnole. Marc Cros, célèbre sculpteur, vit une retraite paisible avec sa femme Léa, anciennement son modèle. Fatigué de la vie et de la folie des hommes, il est à la recherche d'une inspiration nouvelle, mais rien ne semble le sortir de la monotonie ambiante.
En hébergeant Mercé, une jeune espagnole échappée d'un camp de réfugiés, le vieil artiste découvre une nouvelle muse et retrouve le goût du travail. Il démarre alors la sculpture de sa dernière oeuvre...  

Film parlant en Noir et Blanc, L'Artiste et son modèle joue sur tous les tableaux, l'adjectif le qualifiant le mieux serait "beauté".

Tout d'abord, beauté de l'histoire. La relation qu'entretiennent le sculpteur Marc Cros (joué par Jean Rochefort qui a rarement été aussi bon dans un rôle aussi sérieux) et son nouveau modèle Mercè (interprété par la ravissante actrice espagnole Aïda Folch) leur apporte une grande profondeur, à la fois sublime et perverse. Marc Cros et Mercè ont une conception différente de leur lien. Lui, homme de prestance, joue de son pouvoir et de sa hiérarchie. Elle, fait preuve d'une légère naîveté mais aussi de courage, de soif d'aventure (l'action se passant pendant l'occupation allemande, elle aide des juifs à passer la frontière franco-espagnole). Le côté pervers de cette relation apparait assez tardivement dans le film. Marc Cros est assez ferme et refuse qu'elle parte escorter des juifs en Espagne car ces périples lui laissent des séquelles physiques. Cela pourrait être vu simplement comme un ordre du patron. Or par la suite, le spectateur comprend que Marc Cros n'est pas insensible aux courbes de cette jeune femme. Il y aurait donc ici une volonté de possession, de ne pas la partager. Il s'en suivra l'une des scènes les plus magnifiques du film où Mercè et Marc Cros s'observe et se touche (uniquement le visage) très tendrement, avec énormément d'amour. Il voit en elle la beauté de la jeunesse, elle voit en lui les marques de l'âge mais aussi la puissance de ce sculpteur.

Cet beauté, à la fois de la relation et des personnages, est accentué par la beauté de l'image. Tout d'abord grâce au cadre dans lequel le film se déroule, un paysage sudiste, ensoleillé avec une ambiance sonore très chaleureuse. Ensuite beauté de l'art, que ce soit la peinture et la sculpture. Tout cela s'englobe dans le travail très pointilleux du directeur de la photographie, Daniel Vilar. Le Noir et Blanc est très détaillé, proposant une palette de gris immense.

Ce discours vis-à-vis de l'art, de la relation ambigüe entre le sculpteur et son modèle additionné à l'utilisation du Noir et Blanc et à la réussite du scénario pose ce film comme étant un très bon film d'auteur.

Il y a néanmoins une démarche prétentieuse dans ce film. Il s'agit du Noir et Blanc. Certainement utilisé pour rendre l'image belle, il n'y a pas d'autres raisons à cela. Il s'accapare du Noir et Blanc sans essayer de discourir de sa fonction, au contraire de Blancanieves de Pablo Berger qui s'interroge sur la façon d'allier cet élément avec les capacités techniques et actuelles. Ce choix laisse penser que Fernando Trueba a la prétention de tourner de film d'auteur et ce faisant il use du Noir et Blanc pour l'accentuer, l'affirmer. 

Un dernier mot tout de même sur la fin du film, sans en dévoiler le contenu. Fernando Trueba, grâce à la malheureuse fin de vie de Marc Cros, conclut son film sur une des fins les plus émouvantes du cinéma français de ces derniers mois mêlant tristesse et espoir.


Alexis D.

Mercè (Aida Folch)

Marc Cros (Jean Rochefort)

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